Souvenirs de première Communion

 


Qui pourrait croire, à première vue, que l'une des cérémonies les mieux enracinées et les plus populaires du catholicisme soit d'apparition relativement récente ? Le Christianisme à ses débuts, puis l'orthodoxie, l'ignorait complètement. Rien non plus en Occident au Moyen Age… C'est au XVIe siècle que l'idée prend corps de faire ratifier aux enfants les promesses de leur baptême au moment où, physiquement et socialement, ils quittent l'enfance.

Le premier à l'avoir suggéré semble avoir été Erasme, en 1522. Mais, comme chacun sait, le XVIe siècle fut un siècle d'orages, surtout dans la domaine religieux… C'est en 1593 que l'on trouve la première mention, en France, d'une telle fête : c'était à Aumale, dans le diocèse de Rouen.

Puis les choses s'accélèrent : 1616, première description de la cérémonie en la paroisse Saint Nicolas du Chardonnet à Paris, en 1660, le rituel de Bourges donne les consignes précises, qui seront reprises et imitées pendant près de trois siècles. Citons-en quelques points essentiels : la messe sera chantée solennellement, les enfants communieront juste après le prêtre, on mettra ses plus beaux atours (pas trop beaux quand même…) et l'autel sera "fort orné".

La plupart des sociétés ont éprouvé le besoin d'un rite de sortie d'enfance. Sans faire le tour du monde, rappelons qu'à Rome, la "prise de la toge" était un moment décisif pour un garçon.

Une innovation importante du Christianisme est d'avoir fait participer les filles au "passage " en même temps que les garçons.

Même en se limitant à la France, on ne saurait énumérer ici tous les usages liés à la première communion. Ils sont pour la plupart issus d'une époque, qui n'est pas si lointaine, où la grande majorité vivait "aux champs". Avec, à partir de 1880, un pied dans la modernité : chemin de fer et république, industrie et laïcité, et ce grand rival : le certificat d'études ! Tout cela amena l'étiolement des vieilles habitudes, sans pour autant les tuer complètement.

Un point universel, dans ces rites : le changement de costume. La grande toilette spirituelle s'accompagnait d'une grande toilette corporelle : nombre de gens ont ainsi découvert à cette occasion, cette chose surprenante, le savon… La question du chapeau fut capitale pour les deux sexes. Pour les garçons, s'ouvrait l'ère du pantalon. On trouve aussi, parmi les changements, le droit boire du café (Berry), celui de porter un chignon (filles d'Auvergne), de se servir soi-même à table (Normandie) et… celui de représenter la famille à un enterrement (Limousin).

Au-delà de ces détails folkloriques au vrai sens du terme, il faut retenir qu'avant la première communion, l'enfant est nourri par sa famille; après, il doit gagner son pain. Ce fut vrai jusqu'aux approches de la Deuxième Guerre Mondiale. Et, ruralisme oblige, voilà pourquoi la cérémonie fut placée avant le temps des grands travaux des champs. Elle pourrait, de nos jours, être placée n'importe quand dans l'année : mais il est probable qu'elle disparaîtrait alors.   Ce serait la fin de la seule fête de dimension communautaire importante, où plusieurs dizaines de familles peuvent être associées simultanément.

La silhouette générale des jeunes communiants s'est considérablement transformée depuis les années 1930-1940. Aujourd'hui, l'aube assortie de son voile sobre a relégué les anciennes tenues de cérémonie dans les greniers nostalgiques de la mémoire. Cependant, la couleur blanche, où se télescopent les symboles de la pureté virginale, de l'innocence, et de l'immaculée conception, reste le trait d'union de ces communions d'hier et d'aujourd'hui.

Atours de jeune fille …

Une robe en mousseline portée sur un jupon orné de dentelle, une large ceinture, et un long voile d'organdi que des épingles aux bouts en perles fines accrochent au bonnet, constituent les pièces maîtresses du protocole vestimentaire obligé. De grands "plis religieuse" ornent le bas de la robe et du bonnet. Ainsi les jeunes filles cheminent-elles vers l'église, dans les chaussures de daim blanc.

Au tout début du siècle, elles s'avançaient, parée d'une couronne de roses fleurissant leurs chevelures de petites "Marie" réincarnées…

Habits de garçons…

Le jeune homme, quant à lui, dans les années 1930, tel le jeune Romain arborant sa toge, revêt le costume Eton, pour ces heures initiatiques durant lesquelles il abandonne les vêtements de l'enfance laissée pour compte.

Pantalon gris et spencer s'arrêtant au bas de la taille, construisent une silhouette placée sous le signe d'une solennité grave à la classique sobriété. Dans les années 1940, le costume bleu marine d'une élégante netteté est de mise. Et le brassard, en forme de gros nœud à l'impeccable blancheur, oblige ces petits messieurs.

Aux pièces de base élaborant la silhouette du "passage" viennent s'ajouter les accessoires dont les fonctions sont ornementales et symboliques. Rosaires, gants blancs et missels sont les dénominateurs communs aux filles et aux garçons   à la première communion.

Du côté des filles…

Dans l'aumônière, bourse plate tombant au bout d'une anse accrochée à dix centimètres de la ceinture, la très jeune fille glisse son mouchoir et son rosaire, ce chapelet pérennisant la mémoire de la guirlande de roses dont la Vierge était couronnée.


 


Du côté des garçons…

Le jeune communiant arbore le brassard en forme de gros nœud de ruban ou d'étoffe, tache immaculant son avant-bras, à valeur d'insigne : l'événement de la communion.

 


Les images pieuses.

L'église a toujours eu recours aux images qu'elle utilisait à des fins pédagogiques et l'évangélisation. La célébration du sacrement de la première communion a suscité des images pieuses reconnaissables entre toutes. Aux XVIIIe et XIXe siècles, chaque communiant avait son "cachet de première communion" : une grande gravure avec son nom et la date de la cérémonie inscrits à la main en bas de l'espace disposé à cet effet. Simultanément, une autre sorte d'images se développe : celles destinées à être distribuées à la famille ou aux amis proches. Cette pratique marque un changement de comportement social vers une plus grande convivialité. Les cartes sont en papier gaufré, en papier dentelle, ornées de rubans de soie, de tulle, en papier pliés, sur rhodoïd, en relief.

 


Le repas

Chacun trouvera sa place au "banquet", où le rituel restera le croquembouche et les dragées. La traditionnelle   pièce montée vient clore le repas en bouquet de feu d'artifices, symbolisant l'esprit de partage, de paix et de communion, à l'égal de ces gâteaux qui étaient offerts, chez les Romains, à Janus. Enfin, les dragées distribuées comme autant de petits cailloux blancs, rappellent aux absents que les communiants ont été invités à s'approcher du grand mystère, en abandonnant leur peau d'avant, inapte à vêtir leur nouvelle maturité en marche…

Extrait du livre : Souvenirs de Première Communion

Aux éditions : L'Aventurine, Paris, 1997