Les vieux métiers de Picardie

Les peigneurs de laine

Crampon Anatole François (1819-1862), Lengellé Antoine Eugène né en 1815, Lengellé Louis Théodore, né en 1809, étaient tous les trois « Peigneur de laine ».

Je retrouve sur plusieurs générations en Picardie, de père en fils, le métier de « Peigneur de laine », mais en quoi consistait ce métier ?

Le peigneur travaille assis. Il dispose sur sa cuisse gauche une pièce de cuir appelée tchucho en patois local. Il pose ensuite sur elle le peigne qui restera fixe. Le second peigne sert à détouiller.

Avant de placer les flocons de laine, il faut faire chauffer les peignes. L’ouvroir (l’atelier) du peigneur dispose donc d’un gros récipient en terre puis en fer à l’intérieur duquel brûle le charbon de bois.

« On sert, pour chauffer les peignes, de charbon de bois : on croit que les exhalaisons bitumineuses de la houille détruiraient la douceur de la laine. Le feu destiné à échauffer les peignes est renfermé dans un pot de terre en forme de cloche ayant une sorte de cheminée ou issue par le haut ; diverses ouvertures autour du pot sont destinées à recevoir les dents des peignes. Il y a des pots faits de telle sorte que le même feu suffit simultanément à trois et quatre peigneurs ».

La quantité de laine peignée est considérable: « Chaque peigneur fabrique environ 21 kg de laine par semaine. Mais, comme la peignerie est pour l’ordinaire sans activité pendant un mois chaque année, dans l’intervalle des vieilles et des nouvelles laines, il en résulte que les ouvriers ne travaillent qu’environ 11 mois de l’année. On peignait en 1789 environ 1 750 000 kg de laine, lesquels donnaient 1 500 000 kg de laine peignée, le déchet étant d’un septième. Ce déchet provient des noeuds qui sont dans la laine et qui restent entre les dents des peignes ; il est très recherché par les fabricants de molletons et couvertures.

Le travail du peigneur est dur :

« les peignes dont on se sert pour peigner la laine ont une double rangée de broches de fer de 12 à 14 pouces (324 à 376 millimètres) de hauteur. On chauffe les dents du peigne pour donner plus de flexibilité aux poils ; on graisse ceux-ci de beurre pour qu’il devienne plus facile de les coucher. Le peigneur met de la laine de l’un avec le peigne de l’autre. quand il est parvenu à avoir couché les poils en ligne directe, il fixe successivement un des peignes dans la muraille, et avec les doigts il en arrache la laine par petites secousses et n ’en forme qu’un seul jet que l’on nomme « paumelle » qui a environ 80 centimètres, dans laquelle tous les poils de la laine se trouvent étendus dans toute leur longueur et amalgamés les uns avec les autres. »

Le peigneur reçoit une marée, c’est-à-dire un sac de laine à peigner contenant une raize : de la laine mouillée sortant du tordoir qui, ne la supposant sèche, pèsera 25 kilogrammes. Lorsque le peigneur rapporte la laine peignée, le marchand-peigneur paie le travail effectué toujours en supposant qu’il y a 25 kilogrammes. Un peigneur à domicile, vers 1848, ne gagne pas plus de 75 centimes par jour, au lieu de 3 francs en période de prospérité.

Outre le peigne, le matériel du peigneur comprend le pot en terre puis en fer pour faire chauffer le beurre, un chevalet sur lequel on posait le pot, l’éteignoir destiné à recevoir le charbon de bois qui resservirait le lendemain, les pincettes et les manoques pour recueillir les déchets de laine. Le peigneur est-il propriétaire de son matériel ? il semble que oui, mais on ignore qui lui procure le beurre et le charbon de bois. Est-ce le marchand peigneur ? S’agit-il d’un intermédiaire ? la réponse varie peut-être avec les époques.

Au début de la période d’apparition des peignages en atelier, les peigneurs à domicile se sont quand même maintenus. En atelier, seuls les hommes, étaient embauchés. A domicile, toute la famille peignait la laine, procédant au « détouillage ». Les « détouilleurs » effectuaient le premier peignage, démêlant grossièrement la laine. Le travail n’est pas simple et un apprentissage reste indispensable.

« Les ouvriers peigneurs travaillant à domicile forment des élèves ; mais sans la participation du patron, qui paie le salaire à raison de la production. Ces élèves paient de 10 à 15 francs à celui qui leur apprend l’état, non compris l’ouvrage qu’ils font pendant l’apprentissage. Il faut 8 à 20 jours pour apprendre à détouiller la laine et le détouilleur devient avec le temps repasseur : mais tous n’arrivent pas à ce degré d’habileté. Pendant l’hiver, les maçons, charpentiers, et en général tous les ouvriers qui ne travaillent que dans la belle saison, trouvent des ressources précieuses dans le peignage... »

J ’ai rencontré également toujours sur le département de la Somme, des ouvriers sayteurs (ou saiteurs) ainsi qu’une chamareufe. Que faisaient-ils ?

les sayteurs ou saiteurs

Les sayteurs sont des fabricants d’étoffes en laines, rases et sèches, unies et croisées.

L’emploi au côté des fils de laine, de fils de soie, de lin, de poil de chameau ou de chèvre et aussi de fils mêlés de ces différentes matières permet de poursuivre la diversification des tissus.

Sayette : Serge de laine, mêlée de soie, qui se fabriquait aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Sayetterie : Fabrication des étoffes appelées sayes ou sayettes. Fabrication   des étoffes de laine pure ou mélangée d’un peu de soie ou de poil.

Chamareufe

La chamareufe est une brodeuse. Chamarrer : charger de passementeries, de galons, d’ornements.

 

Nicole Bourrée
sources : Larousse, ouvrages sur les vieux métiers d’autrefois.