Les Lavoirs

Les premiers bâtiments collectifs pour le lavage du linge apparurent au XVIIIème siècle ; ils équipèrent les villages surtout au XIXème siècle et se multiplièrent jusqu'au début du XXème siècle. Leur usage se perdit progressivement au fur et à mesure de la généralisation de l'adduction d'eau dans chaque foyer.

Leur création fut consécutive, d'une part, à la prise de conscience de l'importance de la salubrité publique et de l'hygiène individuelle, d'autre part, à l'autonomie budgétaire acquise par les communes au XIXème siècle.

La réalisation d'un lavoir relevait de l'initiative communale contrôlée par l'administration départementale. Si les édiles avaient le désir de faciliter le travail des lavandières en les abritant des intempéries, ils avaient aussi le souci, bien souvent, d'élever un édifice de qualité qui fît honneur à leur commune, surtout s'il se dressait en plein village. C'est pourquoi ils ne manquaient pas de faire appel, si possible, à des architectes confirmés. Mais en bons gestionnaires, ils se devaient de limiter la dépense ; en conséquence de quoi la décoration des lavoirs était exceptionnelle : sobriété des chapiteaux doriques, quelques armoiries urbaines, animaux ou personnages symboliques. C'est plus par l'ordonnancement de son architecture que par les détails décoratifs que nombre de lavoirs apparaissent comme des œuvres d'art reflétant la fierté des édiles de jadis.

La lessive, on le sait, était chez nos ancêtres une affaire importante et le "jour de la lessive" mobilisait les énergies féminines car il fallait laver une grosse quantité de linge qui s'accumulait au fil des jours, les armoires étant remplies et par conséquent les réserves de linge importantes.


Le lavoir de Cressay dans les Yvelines

Sur une selle à trois pieds, la responsable de cette longue opération, posait le cuveau sous la "coulotte" duquel on plaçait un baquet. Des sarments étaient mis au four du cuveau pour faciliter l'écoulement et la ménagère disposait par couches successives torchons, draps, chemises en y ajoutant parfois des racines d'iris desséchées au fond afin de parfumer le linge. Sur cet ensemble, était placé un morceau de toile de chanvre, et une couche de cendres de bois.

L'eau chauffée dans un chaudron était versée bouillante avec un "pochon" à long manche sur la cendre de bois et traversait l'ensemble des couches de linge pour s'égoutter par la coulotte dans le baquet. Cette eau récupérée et réchauffée servait à de nouvelles opérations.

Dans de nombreux villages, les voisines venaient aider. Les mains largement ouvertes, elles frappaient les cendres nouvelles pour activer la pénétration de la potasse contenue dans les cendres, sur les couches de linge.

La lessive ainsi "coulée" était emmenée au lavoir pour y être rincée, tordue, retordue puis battue au battoir, la ménagère s'agenouillait pour ce faire, sur une sorte de caisse en bois garnie de chiffons ou d'un coussin de paille.

Le linge enfin, n'avait plus qu'à sécher. Il va de soi que le travail au lavoir s'accompagnait de bavardages et de propos divers et que les femmes pouvaient tout à loisir y commenter les événements : lieu de dur travail mais aussi de détente, occasion de manifester une sorte de convivialité comme on dit de nos jours, le lavoir avait parmi d'autres lieux du village une fonction sociale précise et bénéfique.

Les uns, qu'ils soient de belle architecture ou de modeste apparence, sont restaurés en entretenus comme monuments d'intérêt touristique et fleurons de la commune. Les autres s'envasent, se laissent envahir par toute sorte de végétation, sont asséchés ou dénaturés par de nouveaux usages incongrus. Souhaitons que la prise de conscience de l'intérêt qu'ils représentent comme témoins d'une société rurale disparue se généralise et leur permette de perpétuer, désormais dans la tranquillité, le souvenir de labeurs ancestraux.

Il reste encore dans le département des Yvelines un nombre appréciable de ces petits bâtiments dont voici quelques exemples : Saint-Arnoult-en-Yvelines, Thiverval (lavoir de 1813), Davron, Neauphle-le-Vieux, Poigny-la-Forêt, Chevreuse, Autouillet, Cressay, Follainville, Bazainville, Richebourg, Houdan, Orvilliers, Oinville-sur-Montcient et Brueil-en-Vexin.

Fabrice Bourrée