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Procès-verbal de première comparution
devant le Juge d’instruction militaire
Tribunal militaire de la 17ème Division Militaire
séant à Toulouse

Procès-verbal de première comparution

L’an mil neuf cent quarante et un, le vingt sept du mois de septembre à dix sept heures.

Devant nous, Schreiber, juge d’instruction militaire, assisté de Demarque comme greffier.

En notre cabinet, au Tribunal Militaire, a comparu le ci-après dénommé,

BELLONI Arthur

Lequel, enquis de ses nom, prénoms, âge, profession, lieu de naissance, demeure ainsi que des autres énonciations touchant son état civil et sa famille, a fourni les indications suivantes :

Nom : Belloni
Prénoms : Arthur Raymond
Surnoms : /
Profession de tailleur, âgé de 45 ans
Né le 23 décembre 1896 à Monclar d’Agenais
Arrondissement de Villeneuve, département de Lot-et-Garonne.
Fils de feu Michel
Et de feue DAVID Julia
Classe de 1916, subdivision de Marmande, département de Lot-et-Garonne
Se disant jamais condamné.

Après avoir constaté l’identité du comparant, nous lui avons fait connaître les faits qui lui sont imputés, lui avons déclaré qu’en conséquence il est instruit à son égard du chef d’infraction aux décrets du 24 juin et du 26 septembre 1941.

Nous l’avons averti que s’il n’a pas fait choix d’un défenseur il lui en sera désigné un d’office avant la citation ; nous l’avons invité à faire ses déclarations.

L’inculpé a fait les déclarations suivantes :

J’ai choisi pour m’assister Maître Bordeneuve du barreau d’Agen, néanmoins je suis prêt à répondre à vos questions et renonce expressément à sa présence au cours de la présente instruction.

Donnons lecture à l’inculpé des déclarations qu’il a faits devant le juge d’instruction d’Agen en date du 20 juin.

L’inculpé déclare : Je maintiens entièrement mes dires et n’ai rien à ajouter. Je sais que j’ai commis une faute en acceptant ces tracts que … m’avait apporté. … m’a dit de les distribuer, mais j’ai refusé en lui disant que je les brûlerai, et en dehors de ceux remis à … je les ai effectivement détruits.

SI  : Je n’ai jamais demandé à … d’où il tenait ces tracts et ne m’a jamais dit ce qu’il avait fait des autres tracts reçus. … de son côté ne m’a jamais parlé de ces tracts.

SI  : Quand … ou … venaient chez moi, nous parlions de la situation, mais nous n’avons jamais envisagé la reconstitution du Parti. Avant la guerre, j’étais trésorier de la cellule communiste de Villeneuve. J’étais également trésorier de la société sportive « Avant Garde Villeneuvoise ». Depuis la guerre, je ne me suis plus occupé du PC.

SI  : J’affirme ignorer qui a imprimé ces tracts et qui les faisait parvenir à …. J’avais d’ailleurs l’intention de quitter Villeneuve sur Lot pour aller habiter Amiens, pays d’origine de ma femme.

DI  : Vous avez déclaré à la gendarmerie lors de votre audition du 14 juin que … venait à votre domicile et qu’il y prenait chaque fois 4 ou 5 numéros pour les distribuer.

Réponse  : Cette déclaration est inexacte et doit provenir d’une fausse interprétation par les gendarmes. … est venu à deux reprises, il m’a demandé chaque fois un exemplaire que je lui ai donné. Ces tracts se trouvaient à mon domicile sur ma table, c’est là qu’il les a pris.

SI  : Il est possible que ce soit moi qui ai dit à … que je détenais des tracts communistes. Si … affirme que je lui ai donné la première fois deux tracts, un pour lui et un pour un camarade, cela doit être vrai, mais je n’en ai aucune souvenance. Il doit donc être vrai que lors de sa dernière visite, je lui ai remis deux numéros d’un autre exemplaire de l’Humanité ainsi qu’un numéro du tract « La Terre » et un exemplaire du tract « La Vie Ouvrière ».

SI  : Je ne crois pas que … m’ait jamais demandé mon avis sur la possibilité de reconstituer le parti. De toute façon, je n’aurais pas accepter car je ne voulais plus m’occuper de politique. Je reconnais avoir commis une faute, je le regrette vivement. Je suis marié et père d’une jeune fille âgée de quinze ans.

Avant de clore, avisons l’inculpé que nous le plaçons en mandat de dépôt dont nous lui donnons lecture.

Ets ans désemparer, assisté du même greffier, faisons introduire Marlas, lui donnons lecture des déclarations de Belloni.

L’inculpé Marlas déclare :

J’ai porté à deux reprises 5 ou 6 tracts à Belloni. Je lui ai demandé de les distribuer. Il m’a répondu qu’il n’avait pas le temps et ne voyait pas la possibilité de le faire, et que s’il ne pouvait les distribuer il les brûlerait. Je ne lui ai jamais dit de qui je tenais ces tracts. Je n’ai rien à ajouter aux déclarations de Belloni.

Belloni  : Il me semble que j’ai déclaré à Marlas d’une façon plus catégorique que je ne distribuerai pas les tracts et que je les brûlerai. Néanmoins je reconnais en avoir donné à …

Je n’ai rien à ajouter.


Tribunal de Première Instance d’Agen

L’an mil neuf cent quarante et un et le vingt juin.

Par devant nous, Le Gall, Juge d’instruction de l’arrondissement d’Agen, assisté du sieur Dedieu, commis-greffier assermenté.

Est comparu ci-après nommé, à l’interrogatoire de qui nous avons procédé ainsi qu’il suit :

Le présent interrogatoire a lieu hors la présence de M° Bordeneuve, conseil de l’inculpé, régulièrement convoqué par notre lettre recommandée dont le récépissé postal est ci-joint et à la disposition de qui le dossier avait été mis la veille de ce jour.

Veuillez vous expliquer que les faits qui vous ont reprochés.

Je ne m’expliquerai qu’en présence de mon avocat M° Bordeneuve.

Nous faisons remarquer à l’inculpé que son avocat a été convoqué par lettre recommandée et dans les délais légaux et que comme il ne nous a pas fait connaître les motifs de son absence nous passons outre à sa présence.

A cet instant, M° Bordeneuve se présente.

A trois reprises différentes, depuis un mois environ, et par intervalles de huit jours, … m’a remis quelques exemplaires de « L’Humanité », « La Vie Ouvrière » et « La Terre ». Il m’en donnait en tout 5 ou 6 chaque fois et les trois fois les exemplaires différaient de la fois précédente. A deux reprises différentes, … est venu chez moi chercher un exemplaire de chacun de ces journaux. Je les lui ai donné et j’ai brûlé le reste, car je ne voulais pas les distribuer.

Pour quelle raison … vous donnait-il chaque fois plusieurs exemplaires de la même date si ce n’est pour les distribuer ?

Il pensait peut-être que je les distribuerais bien que je lui ai dit que je ne voulais pas les distribuer et que je les brûlerais. … et … venaient chez moi parfois en tant qu’amis mais non pas pour faire de la politique communiste. D’ailleurs rarement ils se sont trouvés ensemble chez moi. Quelquefois lorsqu’ils se rencontraient ensemble chez moi, au cours des conversations, ils parlaient un peu de politique, mais leur visite n’avait pas pour but la politique. Il n’y avait donc pas de réunion communiste chez moi.

Lecture faite, persiste et signe.



Tribunal départemental de Lot-et-Garonne
Agen
Cabinet du Juge d’instruction

Procès-verbal de première comparution

L’an mil neuf cent quarante et un et le seize juin.

Par devant nous, Le Gall, Juge d’instruction de l’arrondissement d’Agen, assisté du sieur Dedieu, commis-greffier assermenté.

Est comparu, ci-après nommé, à l’interrogatoire de qui nous avons procédé ainsi qu’il suit :

Je me nomme Belloni Arthur, 44 ans, né le 23 décembre 1896 à Monclar de Henri et de Julia David, marié, un enfant.

Vous êtes inculpé d’avoir à Villeneuve dans le courant de l’année 1941 et depuis temps non prescrit enfreint le décret du 24 juin 1939 concernant la répression de la distribution et de la circulation de tracts de provenance étrangère en distribuant, mettant en vente, exposant aux regards du public ou en détenant en vue de la distribution, de la vente, ou de l’exposition dans un but de propagande, de tracts papillons bulletins d’origine ou d’inspiration étrangère de nature à nuire à l’intérêt national.

Enfreint le décret du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes en publiant, mettant en vente, faisant circuler, distribuer ou détenant en vue de leur distribution, de l’offre, de la vente, de l’exposition des écrits périodiques ou non, des dessins, et d’une façon générale de tout matériel de diffusion tendant à propager le mot d’ordre de la IIIème Internationale ou des organismes qui s’y raccrochent.

Vous êtes libre de ne faire aucune déclaration et vous avez le droit de choisir un avocat pour vous assister durant l’information ou de demander un avocat d’office.

Je choisis Maître Bordeneuve et je ne répondrai qu’en sa présence.