La vie quotidienne paysanne à travers les inventaires après décès

La maison paysanne était généralement constituée d’une ou deux pièces. A côté de la maison à feu, c’est-à-dire la pièce avec la cheminée, se situait une seconde chambre. Afin de faciliter la propagation de la chaleur, ces deux espaces n’étaient séparés que d’une cloison de planches, qui ne remontait pas jusqu’aux poutres. La chambre était meublée d’au moins une armoire, 2 ou 3 lits, plusieurs coffres. Des outils agricoles y étaient parfois rangés. La première pièce conservait la table, une armoire, 1 ou 2 lits. C’était une salle de réception, où les adultes pouvaient veiller tard sans trop déranger les enfants. Chez les journaliers l’étable remplaçait la seconde chambre.

Chaque foyer possédait généralement une armoire dans chacune des pièces de la maison. Ce meuble était offert comme cadeau aux jeunes mariés. Selon les régions, les parents offraient à la future mariée l’armoire garnie de son trousseau, qu’elle avait elle-même brodé. Cette armoire pouvait également constituer une partie de la dote de la mariée. L’armoire était munie de deux ou quatre battants, plus rarement un seul, et avait parfois un tiroir. Outre le linge, la vaisselle, les provisions, les papiers et même des outils agricoles y étaient entreposés.

Les armoires à deux battants pouvaient être surmontées d’un vaisselier ou buffet. Un simple dressoir, formé de quelques planches, faisait également office de rangement pour les plats.

Les coffres étaient plus nombreux que les armoires. Leur succès s’explique   par leur facilité de transport lors des déménagements, nombreux pour les journaliers, et par la multiplicité de leurs fonctions.

La fonction naturelle consistait dans le rangement, aussi bien du linge que des provisions, des outils agricoles, et dans les plus grands coffres, des récoltes de grains. les coffres à dos plats servaient au repos, que ce soit en position assise, ou en allongée la nuit pour certains domestiques et journaliers.

Les bancs-coffres ou escabeaux étaient parfois munis d’une tête ou d’un accoudoir à chaque bout. Ils étaient situés soit auprès de la table, soit au pied des lits, soit même entre les deux. De cette dernière disposition venait leur troisième fonction de marche pied pour l’accès aux lits-clos.

Au moins deux coffres étaient dénombrés par foyer, et jusqu’à six répartis dans deux pièces. Ils étaient de dimensions variables, et comme pour les armoires, certains fermaient à clé, d’autres n’avaient que la clavure ou serrure, d’autres rien.

Les chaises et les tabourets étaient assez rares. Seules les familles les plus aisées en possédaient.

Les tables étaient dites coulantes ou à coulisse. Elles consistaient encore en un coffre fermé par un couvercle qui glissait horizontalement ou qui se soulevait. Souvent elles   ne disposaient pas de pieds ou si bas qu’il était difficile de s’attabler en position assise. Le pain était parfois pétri et conservé à l’intérieur du coffre.

Les lits ne sont jamais mentionnés comme lits clos, mais comme bois de lit, charlit, couchette ou lit complet.

Le nombre de lits était toujours inférieur à celui des personnes vivant dans la maison. Les enfants dormaient à deux, parfois à trois chez les plus petits. A la puberté, les frères et soeurs étaient séparés. Les personnes hébergées comprenaient également les domestiques, valets et journaliers, qui étaient employés chez le laboureur, ainsi que les beaux-enfants qui restaient sur l’exploitation. En général, 5 à 10 personnes se partageaient 3 à 4 lits.

Dans les inventaires roturiers, les berceaux ou bers sont rarement cités. D’après des témoignages, le bébé était en fait couché dans la bas de l’armoire, dont la porte restait ouverte.

Parmi les accessoires de la chambre, le chandelier en fer et à résine est souvent signalé. La lanterne en fer blanc, pour sortir la nuit, l’est moins régulièrement, de même que le pot de chambre et le bénitier.

Nous remarquons finalement la polyvalence de chaque meuble. Aux coffres, armoires et tables sont associées d’autres fonctions qui de nos jours n’existent plus. Ceci s’explique par l’espace restreint où vivait la famille. Il n’y avait pas de place supplémentaire pour une commode, ou un chevet. Les armoires et les lits clos, les uns contre les autres, longeaient les murs et donnaient sur la cheminée. La table, proche de l’étroite fenêtre, recevait le maximum de lumière.

Le linge et les vêtements sont les biens les plus mal décrits dans les inventaires. Le commis ne notait souvent que soit les hardes du défunt, soit celles de la veuve, presque jamais celles des enfants, des domestiques ou servantes. En fait, il n’était estimé que le linge de rechange trouvé dans les armoires et les coffres, mais pas celui porté par la famille. L’absence ou la rareté des rechanges prouverait ainsi que bien des gens n’avait qu’un seul habit au 18ème siècle.

La literie était importante. Elle était évaluée globalement avec les lits, sauf celle de rechange. Les traversiers ou traversins, et les couettes étaient remplis de balle, enveloppe du grain des céréales, plus rarement de plume. Les très rares oreillers, avec leurs souilles, étaient par contre de plume.

Il y avait une paire de drap ou linceul sur chaque lit. Elle était le plus souvent en toile de réparon, de lin ou de chanvre, plus rarement en laine ou en ses dérivés tels que l’étamine ou la baline. Le ménage possédait de 4 à 12 paires de draps, en comptabilisant celles de rechange, dont le nombre permet d’apprécier l’aisance de la famille. Les journaliers n’avaient pratiquement aucun drap, ce qui laisse à penser qu’ils dormaient avec leurs vêtements de la journée.

Il n’y avait qu’une couverture par lit, assez rarement deux, parfois aucune. Elle était en laine de couleur unie généralement verte, ou bien encore bleue, rouge ou blanche. Sur certains lits, des rideaux étaient posés au niveau des fuseaux, et une varline ou une berne remplaçait la couverture.

Mais la literie n’était pas toujours détaillée. Le priseur ne distinguait parfois que le lit avec ses accoutrements, ou le lit complet.

Les nappes n’étaient pas si courantes. Lorsqu’elles étaient inventoriées, il n’y en avait que 2 ou 3 en toile de lin ou de réperon. En fait, en temps usuel, les familles mangeaient sur le bois nu de la table. Les jours de fête et aux repas de noces, les voisins ou le traiteur prêtaient les nappes pour couvrir les longues tables.

La variété et la richesse des costumes régionaux n’apparaissent que dans la seconde moitié du 19ème siècle. Sous l’ancien régime, l’habit était porté selon que l’on travaillait, sortait en ville ou fêtait un événement, mais il ne variait pratiquement pas d’une région à une autre. De même, les couleurs bleu marine et noire n’étaient pas encore généralisées. Le vert, le brun et le rouge étaient utilisés fréquemment.

Le nombre de chemises, chemisiers et chemisettes, pour les hommes comme pour les femmes était important. En moyenne, le défunt en possédait de 3 à 6, sa veuve souvent plus de 6, lorsque ses hardes sont décrites.

Les hardes des hommes se composaient d’au moins d’une veste, parfois de 2 ou 3 pour la ville, d’un gilet, d’une large culotte ou d’un haut-de-chausse, d’une paire de bas, d’une paire de souliers et d’un chapeau. Les justaucorps, bonnets, guêtres et manteaux apparaissaient épisodiquement. Ces habits étaient généralement confectionnés en toile de lin, parfois en berlinge pour les vestes et culottes. Les capotes de marin et les pantalons n’apparaissent qu’après la révolution. La ceinture en cuir était rarement inventoriée.

Les hardes des femmes consistaient, outre en chemises, en camisoles, corsets, brassières, cotillons, jupes et tabliers assortis.   Deux à neuf coiffes (écrit aussi coueffes) étaient soigneusement conservées dans des paniers. Le capot était une coiffure peu courante chez les paysannes du 18ème siècle. Les robes et les manteaux étaient également rares. Le lin, le chanvre et la serge étaient les toiles les plus fréquemment utilisées pour la confection de ces habits féminins. Mais le coton, l’indienne et l’étamine l’étaient aussi pour les tabliers. La soie devenait un luxe. Un simple mouchoir en cette matière coûtait 30 sous en 1753.

Le valeur des hardes de l’épouse était au plus trois fois supérieure à celle des hardes du défunt. Les enfants portaient assez tôt un petit costume comme les adultes, et laissaient à leurs cadets les robes et les brassières dans lesquels ils avaient fait leurs premiers pas.

La préparation des repas passait tout d’abord par au moins un bassin d’airain ou chaudron. Il était de dimension très variable, d’une contenance de 1 à 8 seaux. Les plus grands coûtaient extrêmement chers, de 15 à 35 livres et auraient pu servir à la toilette. En général le ménage possédait 2 ou 3 bassins.

Une marmite, en fer ou en potin (nom de divers alliages de cuivre, étain et plomb : potin jaune, potin gris), apparaissait régulièrement avec sa couverture ou son couvercle de bois et sa cuillère à pot, tandis que la casserole était plus rare. La poêle grasse ou à frire (écrit pouille parfois) ne manquait presque jamais à l’inventaire par contre, même si elle était en mauvais état. Elle servait à la préparation des crêpes en Bretagne.

Le trépied ou trois-pieds supportait tous ces ustensiles lors des cuissons. Il était placé dans le foyer même de la cheminée, la crémaillère ne semblant pas exister.

Les ustensiles de laiterie étaient nombreux. Quand les pots à lait étaient mentionnés, il y en avait 4 ou 5 par ménage. Le passe lait était généralement en airain, plus rarement en bois. La jette ou jade (écrit gede parfois) était un petit récipient rond et sans rebord. Elle recueillait le liquide sans crème. Si la baratte en terre n’était pas toujours signalée, son pilon, le ribot, semblait en fait désigner l’ensemble. Enfin, le beurre était conservé dans quelques pots en terre ou dans des beurriers.

A la campagne la maie ou mée à pâte, ou pétrin, était un grand coffre pour pétrir et garder le pain. La farine était placée dans des ruches dites à paille ou à pâte, à ne pas confondre avec les ruches à abeilles. Le charnier, un pot en terre, conservait le lard, mais n’y restait parfois que du sel. Ce sel pouvait être sous forme de meule, la salorge, de barreau ou de simple tas au fond d’une barrique. Les barils avec des cadenas contenaient le sucre, certains pots de terre, de la confiture. Pour les emplettes au bourg ou en ville, un panier à provision était utile. Il était fabriqué en osier, clisse ou jonc tressé.

Les barriques et les fûts de barrique étaient remplis de cidre ou de vin. Leurs provenances étaient même parfois précisées : Nantes ou Bordeaux. Certains coupés en deux servaient de seaux. Parmi eux, il était distingué le rangeau (écrit rangeot aussi), qui pouvait contenir de la farine, et la seille en bois, qui avait une anse formée d’une corde. Le pressoir à cidre existait parfois dans les plus grandes exploitations.

La vaisselle était généralement en bois ou en terre cuite. Certaines familles utilisaient des assiettes en terre, mais le plus souvent, elles mangeaient dans des écuelles en bois pour les deux tiers du service, et en terre pour le tiers restant. Le nombre de cuillères en bois allait de pair avec ces plats. L’ensemble était rangé dans un garde écuelle ou dans une cage. Fourchettes et couteaux étaient inconnus, à l’exception parfois du grand couteau de cuisine, qui coupait le pain et le lard.

Verres, gobelets, chopines, tasses étaient rares. Par contre plusieurs pots à eaux, buyes ou cruches en terre étaient prisés. Le verre était un matériau noble. Même les quelques bouteilles étaient fabriquées en terre grises.

Les pots en terre servaient indifféremment pour la soupe, la salade ou la conservation des aliments. Tout ustensile spécial tel que la soupière, le saladier ou le garde-manger était rare. De même, la salière, la passoire, l’entonnoir, le tire-bouchon (ou perce-vin) apparaissaient irrégulièrement. L’argenterie était inexistante chez les roturiers.

La baille, appelée aussi cuve, barrique ou tonne à buée permettait de faire la lessive.

Extrait de l’ouvrage de Christian Duic